La formation professionnelle est un processus d’acquisition de connaissances et de compétences requises dans des métiers spécifiques ou, plus largement, sur le marché de l’emploi. La loi du 5 septembre de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel en a profondément modifié les dispositifs et, au-delà, le paysage même de la formation professionnelle. En 2020, les dépenses de formation des salariés du secteur privé ont représenté 17,5 Md€, permettant à 40 % des salariés d’accéder à une formation. Le rapport publié ce jour dresse un premier bilan de la réforme de 2018.

La simplification et la mise en cohérence du cadre de la formation professionnelle

La réduction du nombre d’organismes gestionnaires et la modification profonde de leurs missions visait à la fois à accompagner la priorité accordée à l’alternance, à constituer un système unique d’alternance et de formation professionnelle – par le financement comme par la gestion – et à simplifier ce dernier. Créé au 1er janvier 2019, le nouvel opérateur
France compétences a su prendre en charge très rapidement ses missions les plus urgentes, mais le déficit structurel de financement de l’apprentissage le prive de la plupart de ses marges de manœuvre pour le financement de la formation professionnelle. La transformation de 20 organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) en 11 opérateurs de compétences (Opco) présente, elle aussi, un bilan positif, même si le processus pour y parvenir a été plus long que prévu et n’est pas totalement achevé. Des progrès restent à accomplir dans la mutualisation des actions et des moyens entre les branches professionnelles représentées en leur sein, et dans le cadrage de leurs frais de gestion. En revanche, l’utilité de la transformation des Fongecif en associations Transitions Pro, avec des missions fortement amoindries, n’est pas établie ; le rapprochement entre ces associations et les opérateurs de compétences est à étudier.

Le développement de l’accès à la formation professionnelle : des avancées au prix de dérives

La « démocratisation » du recours au compte personnel de formation (CPF) constituait l’un des objectifs majeurs de la réforme. Depuis septembre 2020, le nombre annuel de dossiers a fortement progressé, non sans effets indésirables, comme le démarchage abusif et la fraude. La régulation de l’offre de formation et l’intensification des contrôles ont joué un rôle utile mais n’ont pas permis à ce jour d’endiguer toutes ces dérives. En se développant, le CPF s’est aussi éloigné de ses objectifs initiaux : il a surtout servi à financer des formations non certifiantes. Il convient d’y remédier en orientant davantage les financements vers des formations qualifiantes ; la modulation d’un reste à charge sur les formations achetées par l’intermédiaire du CPF pourrait y contribuer. La réforme visait aussi à renforcer le recours des TPE-PME à la formation professionnelle, un objectif qui a pu être réalisé par la mobilisation des Opco mais aussi grâce aux moyens exceptionnels mobilisés par l’État pendant la crise sanitaire, au titre du FNE-Formation de crise et de l’apprentissage. En revanche, les transitions professionnelles, auxquelles aspirent de nombreux actifs, apparaissent comme une faiblesse de la réforme avec des moyens en baisse et des dispositifs au bilan modeste.

La qualité de l’offre de formation : des exigences à renforcer

France compétences a effectué depuis 2019 un examen très sélectif des demandes d’enregistrement de certifications professionnelles, qui a conduit au rejet de celles ne présentant pas d’utilité suffisante. Il convient à l’avenir d’appliquer des critères aussi exigeants aux certifications professionnelles émanant des ministères. Le découpage systématique des certifications en blocs de compétences constitue aussi une démarche pertinente à approfondir pour faciliter les transitions professionnelles. La réforme a également cherché à renforcer la professionnalisation des organismes de formation en instaurant le label qualité Qualiopi. Des failles permettant des fraudes ont cependant été constatées dans ce processus de labellisation.

L’absence de soutenabilité financière : un problème majeur non résolu

La réforme de 2018 a été mise en œuvre sans assurer l’équilibre financier du système de la formation professionnelle et de l’alternance. Dès 2020, des déficits sont apparus dans les comptes de France compétences, aggravés par le contexte de la crise sanitaire. En 2022, les ressources habituelles de l’établissement public – environ 10 Md€ issus des contributions des entreprises – ont à peine suffi à couvrir les seules dépenses d’alternance. Le recours permanent de France compétences à l’emprunt de court terme et les dotations exceptionnelles – mais récurrentes – de l’État, qui ont atteint 8,4 Md€ à ce jour (dont 4 Md€ pour la seule année 2022), ne constituent pas des solutions satisfaisantes pour assurer la soutenabilité du système. L’État doit mettre en place rapidement avec France compétences les conditions permettant d’atteindre l’équilibre financier. Dans ce cadre, un soutien financier pérenne de l’État au financement des contrats d’apprentissage paraît inéluctable pour atteindre l’objectif d’un million de nouveaux apprentis en 2027 fixé par le Président de la République.

Le pilotage stratégique de la formation professionnelle : les limites de la réforme de 2018

La réforme de 2018 a accru la place de l’État dans le champ de la formation, tendance renforcée dans le contexte de la crise sanitaire qui a occasionné des financements massifs. Pour autant, les orientations stratégiques définies à l’occasion de la crise ou dans des plans de long terme tels que France 2030 peinent à irriguer les nombreux dispositifs de la formation professionnelle. De même, des enjeux majeurs tels que les transitions professionnelles ou la lutte contre la fraude ont donné lieu à des décisions souvent tardives et incomplètes. De fait, la loi du 5 septembre de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel n’a pas apporté de solution satisfaisante à la gouvernance de l’ensemble du secteur. Il convient d’y remédier dans un cadre institutionnel renouvelé, afin de mieux associer les partenaires sociaux à la définition d’objectifs stratégiques, mais aussi à la fixation d’orientations concernant les dispositifs gérés par la Caisse des dépôts, notamment le CPF.